dimanche 24 mars 2013

Le silence est d'or ?

Je n’ai pas écrit depuis un moment, pourquoi ? Je ne m’attendais pas à n’avoir rien à dire pendant tout ce temps. C’est étrange comme l’on peut croire que le sujet du célibat ou de l’amour est infini. Et quand l’on se rend compte que déjà tout à été dit, tout a été inventé, quelle déception. Que les mots que l’on jette sur une page, pleine de nos sentiments, ont résonné dans d’autres cœurs. Ne pas être la première à dire ces choses. Encore plus incroyable : avoir pensé a un moment que l’on serait la première à le dire, alors qu’on ne le dit qu’autrement. Et soudain panique : et si je n’avais vraiment RIEN à vous dire ? 

Ne rien dire c’est difficile. C’est une peur du silence qui nous gagne lentement. En tant qu’écrivain on le connaît sous un autre nom : *musique angoissante* la page blanche. Quand on a l’impression désagréable que ce que l’on a écrit n’est qu’un remâchage du dernier livre qu’on a lut et que plus aucunes phrases intelligentes, plus aucunes idées originales ne viendra jamais traverser notre esprit embrumé. 
Vous voyez ? C’est la même peur panique qui vous gagne quand un homme vous adresse la parole pour la première fois. Alors que d’ordinaire, posée, fofolle, peut importe, vous aviez toujours un mot, une répartie quelconque pour vos amis, des dialogues entendus dans vos (trop ?) nombreuses comédies romantiques, que vous avez retenu à force de visionnage, vous voici aussi dépourvu de parole qu’Ariel après avoir donné sa voix à Ursula. « N’oublions pas le langage du corps ! » Dirait-elle. Parlons-en ! Vos mains sont moites, vos yeux fuyants et vous vous tortillez maladroitement dans votre robe moulante (pourquoi n’ai-je pas pris une tenue plus confortable ?) ou tirez sur les manches de votre pull col roulé (Pourquoi n’ai-je pas mis quelque chose de plus sexy ?). Vous bredouillez, vous exultez du jeu de mot qui vous vient miraculeusement ou vous meuhmeuhmez tel l’âne dans Shrek, histoire que votre petite personne ne se fasse pas oublier. Heureuse de vous en être sortis à peu près entière, vous levez les yeux vers Monsieur Nouvelle rencontre. 
Coup de grâce : il sourit. 

D’où vient cette peur du silence ? Est-ce typiquement féminin ? D’où peut provenir ce malaise lorsque, à plusieurs, vous n’êtes pas parvenu à en placer une lors de la conversation ? Peur de ne pas paraître intelligent ? Mais tout le monde ne connait pas le nouveau gadget d’Apple, la dernière voiture de Peugeot ou les épisodes complets de RDA. Doit-on pour autant chouiner ? Quitte à passer pour une elfe niveau 1 ? « Maieuh ! Je sais pas de quoi vous parlez, c’est ennuyeux ! Changer de conversation ou je vais me resservir des crevettes ! »
Pourquoi ne pas garder le silence ? Ecouter simplement ? Histoire de prendre des notes mentales, et faire nos recherches plus tard sur les centres d’intérêts de ces messieurs ? (au risque de découvrir que RDA est amusant ). Est –ce qu’une femme silencieuse n’est pas intéressante ? Semble-t-elle taciturne ? Pourtant nos blablas finissent par ennuyer c’est de renommée mondiale, non ? Les femmes sont bavardes, cliché entretenu. Mais dès que l’on se tait, on nous saute dessus, mine renfrognée et regard exaspéré « Qu’est ce qu’il y a, t’es malade ? Tu souris pas, tu dis rien. Tu t’ennuies ? Tu veux rentrer ? » . Pas de panique. Une femme c’est parfois comme la voix du GPS : quand elle ne dit rien c’est qu’il n’y a rien à dire (la seconde solution c’est que vous êtes paumé et qu’elle veut vous laisser galérer)

Alors ? Je fais ma carpe ou ma pie ? L’expérience m’a appris que « quand tu n’es pas sûre de ce que tu vas dire, dans le doute, abstient toi ». Malheureusement c’est aussi pour cette raison que mon jeu de mot qui me paraissait douteux, sort de la bouche glossée d’une poupouf qui s’est jointe au groupe en cours de route. Malheur : Monsieur Nouvelle rencontre lui offre un rire charmant et la regarde en coin. Bon, je sors l’artillerie lourde. Je réplique sur chaque vanne, je sors des calembours (si, si, ce mot existe encore, je lutte pour), bref, je ris fort ou je regarde le sol après mes effort locutoires. 
Mais ? Monsieur Nouvel rencontre n’est pas dupe et continue de mater l’autre dinde qui n’a pas dit un mot depuis celui qu’elle vous a volé. Parce qu’à trop vouloir en faire, c’est comme le mascara en plusieurs couches, ça fait plastoque. Si vous avez l’habitude qu’on vous regarde en sachant que ce que vous présentez est du pipeau, tant mieux (pensez à la voie politique ou commerciale pour votre avenir professionnel). Mais si vous êtes du genre à vous faire repérer quand vous portez un soutif rembourré parce que vous ne cessez de vérifier s’il est en place, si votre poitrine ne sort pas et de vous demandez si machin n’a pas senti les coussins gonflants en vous effleurant tout à l’heure : évitez. Pour vendre de l’air il faut avoir la foi. 

En parlant de ça : miss poupouf avec son décolleté plongeant remet en cause le mien qui ne présente pas grand-chose (eh oui, côté poitrine je suis davantage Keira Knightley). C’est sûr qu’avec son 100 C elle doit en éborgner plus d’un. « Je t’envie, dit elle avec son sourire pailleté, tu peux te pencher sans qu’on te mate les seins. Ça doit être reposant.» … What ? Eh! Les blagues sur ma petite poitrine c’est comme le nez de Cyrano : « Je me les sers avec assez de verve mais je n’accepte pas qu’un autre me les serve.» Surtout avec aussi peu d’imagination. « Non c’est moi qui t’envie. C’est pratique une belle paire de seins, ça fait diversion. Regarde, j’ai de l’esprit, de l’humour, de la repartie, mais on remarquera toujours mes deux clémentines. Alors que toi avec tes melons, on ne fera jamais attention à ta cervelle de noix. » 

Balle de match. 

Enfuie du groupe pour aller prendre un verre. Peut être trop hargneuse cette réplique ? J’aurais du faire plus subtile mais aurait-elle compris l’allusion ? Pourquoi suis-je aussi fière et énervée ? Dans le brouhaha environnant ça parle, ça rit fort. Elles aussi elles essaient de ne pas disparaître ? 
Un ami m’a dit un jour, alors que cela faisait presque une heure qu’on ne parlait pas, que ce qui était bien c’était qu’on se connaissait tellement qu’on avait plus besoin de meubler le silence. Meubler le silence ? Avec des mots, des phrases choisies ou non, jetées à la va vite ou soigneusement disposées. Avec des soupires, des oui des non, des rires, des murmures ou des éclats. Avec tout ce que l’on peut. « Avoir BESOIN de meubler le silence». Sinon quoi ? On devient invisible ? Ou pire : trop voyant ? Parce que se taire c’est laisser l’autre nous voir sans le « cinéma » que l’on peut produire. Montrer qui l’on est et le laisser nous observer. Les paroles en fouillis assourdissant, c’est avant le levé du rideau, quand il s’ouvre le silence se fait. Le silence, c’est un accueil à la révélation, de la scène, ou de soi. 

On me tapote sur l’épaule. A trop penser je m’égare. Monsieur Nouvelle rencontre ? Veut-il un verre pour miss Poupouf ? Non, juste rester avec moi. Apparemment je suis plus amusante, surtout quand je suis vexée. Que dire ? Que faire ? Ou étaient mes mains déjà ? Ah oui mon verre de jus d’orange. Et tandis que je contemple ma paille voilà qu’une chose étrange se passe : Monsieur Nouvelle rencontre ne cesse de parler, enchaîne les remarques sur la musique, sur la bière qu’il trouve médiocre, sur tout, sur rien. Je ne dis pas un mot. Il s’empêtre, ne laisse pas de pause entre ses phrases, avoue que lui aussi préfère les agrumes (parlait-il jus d’orange ou clémentines ?), continue… Et je souris de cet inversement des rôles, me rendant compte que la peur du silence n’est pas purement féminine. Qu’est-ce qu’il y a de mieux à faire ? Parler ou se taire ? 
- Tu as vraiment un charmant sourire, dit-t-il. 

Le tout est d’assumer ce que l’autre peut découvrir une fois le voile levé.

Virginia 2.0